Quand le dynamisme masque le burn out aux yeux des autres...

Je me souviens... quatre mois avant mon arrêt. 

A ce moment là, je vois ma médecin généraliste toutes les semaines, comme un psy. C'est elle qui me l'a proposé. 

Je n'en peux plus, mais j'ai encore assez de force pour faire semblant au travail. Je passe le peu d'énergie qu'il me reste à faire mon travail consciencieusement, avec le sourire. 
Je me souviens encore entendre ma responsable RH dire à mon encadrant en me regardant charger ma voiture : 'Sylvie, c'est la joie de vivre incarnée'. Là, j'ai pris conscience du décalage entre ce que j'étais à l'intérieur et ce que je dégageais. Même à bout, je gardais le sourire, le peps. Par souci de ne pas déranger, de ne pas inquiéter et d'être agréable. Jusqu'au bout. 

Au bout de quatre mois, ma médecin m'a dit : 'Pour vous, votre travail est un punching-ball. Je ne peux pas changer votre entreprise, alors je vous enlève'. 

Et là, le masque tombe. Plus besoin de faire semblant chaque matin, puisque je reste à la maison. Soulagement de ne plus compter les minutes avant de partir, de ne plus faire celle qui va bien et qui sourit alors qu'à l'intérieur, elle est en vrac. 
Envie de dormir, de ne voir personne. Le dynamisme s'écroule. 

Honte. Oui, j'ai honte de ne plus être en capacité de travailler, alors que je suis quelqu'un de volontaire et de dynamique. 
L'extérieur, ma situation, est devenue raccord avec mon intérieur émotionnel. 
Vrac, chaos, champ de ruines. Voilà mon ressenti. 
Moi qui étais dynamique, toujours partante, à proposer des solutions, rarement découragée, qui relativisait facilement. Je ne peux plus. 
J'ai beau vouloir, quelque chose s'y refuse. Le corps n'a plus d'énergie. Et le mental ne sait plus pourquoi il devrait continuer à faire des efforts. Pleurs. 


On lit souvent que l'entourage s'aperçoit du burn out mais que la personne concernée le nie. Dans mon cas, ça ne s'est pas passé exactement comme ça. 
Même si mon conjoint l'a vu bien avant moi, je me suis vue descendre, petit à petit. J'ai envoyé des s.o.s à ma hiérarchie, subtilement puis plus directement.  J'ai cherché le dialogue. Voyant qu'il n'y avait pas de réponse adaptée, j'ai fui en changeant de bureau et en sombrant peu à peu.

La demande, la lutte, la fuite, le repli. Voilà pour moi les solutions  que j'ai cru trouver. Chimères.

Moralité : si c'était à refaire, je ne mettrais pas 'tous mes oeufs dans le même panier'. Je garderais une partie de mon dynamisme pour mes proches, mes loisirs, mes voyages et je ne dirais plus oui systématiquement à chaque service demandé au nom de la flexibilité. 

Adaptable, oui, suradaptée, non. 

La priorité est de se respecter soi-même tout en respectant l'Autre.

Comme on dit en CNV (Communication Non Violente), quand je dis non, à quoi je dis oui? Et vice-versa. 

Quand je dirai non à une demande, je saurai que je ME dis oui. 
Je m'autorise à me dire oui quelquefois, pour mon bien-être. 
C'est important. C'est une chose que j'ai comprise et dont je veux me souvenir. 
C'est une protection.

Petit conseil CNV : quand vous dites non, ne culpabilisez pas. C'est un non à la demande, pas à la personne. 
Et pensez que votre non est justifié, car il vous permet de vous dire oui à vous. 
Et quand vous direz oui à une demande, ce ne sera pas un sacrifice, ce sera un vrai oui. 

De mon ombre à ma lumière...

Depuis trois ans, je suis apprentie archéologue. 
Je fouille à l'intérieur de moi-même. Je creuse, je fais des découvertes, je descends des niveaux au fur et à mesure. 
Comme un mille-feuilles, mais je ne soupçonnais pas que j'avais autant de couches. Les premières sont plutôt faciles à enlever. Là, au bout de trois ans, je suis dans mes profondeurs, ma part d'ombre. C'est douloureux, mais c'est une démarche volontaire et indispensable à mes yeux.

Le burn out a ouvert en moi la boîte de Pandore. Je suis allée trop loin dans ce que je pouvais supporter, ne connaissant pas mes limites. Il y a une porte rouge dans mon cerveau. Une porte qu'il vaut mieux tenir fermée. Le dépassement de mes limites, par moi-même, par les autres, l'a ouverte. 
Quand elle s'ouvre, c'est un déferlement d'angoisses, une avalanche qu'on regarde, impuissant, en espérant que ça va vite se calmer et qu'il n'y aura pas trop de dégâts.
Je ne maîtrise pas encore assez bien le processus d'ouverture de cette porte. Parfois, je vis dans la terreur qu'elle s'ouvre. J'ai peur, elle va s'ouvrir, elle va s'ouvrir. Et finalement non, fausse alerte. Soulagement. 
Et parfois, je ne vois rien venir. Je la vois seulement s'ouvrir, là, spectatrice, sans avoir pu anticiper. Dans ce cas-là, seule la fuite permet de calmer le jeu et de la faire se refermer. Mais il n'est pas toujours possible de fuir, surtout dans le travail. 
Le but est de muscler ma capacité à identifier mes besoins. J'ai tendance à les relativiser, à me dire que j'exagère, que ce n'est pas vraiment un besoin, ou qu'il n'est pas vraiment important. Je n'écoute pas l'alarme. 
C'est cela que j'apprends à modifier. Prendre en compte les signaux. Avoir derrière soi un burn out ne suffit pas. Chassez le naturel, il revient au galop. 
SE RESPECTER, respecter son écologie personnelle. Ne pas la minimiser. 

C'est comme voir les rideaux de son salon commencer à brûler et se dire 'c'est rien, ça va s'éteindre'. Quand je le dis, ça me paraît inconcevable de regarder mes rideaux brûler et penser que ça va s'arrêter comme par magie. J'irais immédiatement chercher un seau d'eau. J'agirais. 

Pour mes besoins et mes émotions, je ne fais rien. J'endure, je laisse la situation continuer en pensant qu'il n'y aura aucun dégât. C'est illusoire et pourtant...

Mon travail commence par apprendre à me respecter et à changer mes réflexes. 
Etre bienveillante envers moi-même.

Mon système d'alarme

Comment s'est manifesté votre burn out? 
Quels en ont été les symptômes? 
Physiques? Psychologiques?

Pour ma part, le corps a tenu jusqu'au bout. Il envoyait pourtant des signaux : entorses, douleurs dorsales, articulaires, nausées, maux de tête et j'en passe... Difficulté à se concentrer, cynisme, isolement...
Je n'ai pas réalisé tout de suite. J'étais à fond dans mon boulot, j'aimais ce que je faisais. Une entorse? M.....! Je suis obligée de m'arrêter? Oui!! Bon trois semaines et j'y retourne, je prends mon mal en patience. Deux ans plus tard, une autre entorse? Deuxième signal non pris en compte. J'ignore mon corps. 

En revanche, je m'aperçois que je suis de plus en plus fatiguée, de plus en plus souvent, que les jours de repos ne suffisent plus à me reposer. La barre d'énergie remonte très difficilement à chaque fois. Elle est, en revanche, vite absorbée. Ce qui, avant, m'aurait enthousiasmée, n'a plus d'effet sur moi, je réagis de loin. Comme un automate. Je connais mon métier, je l'exécute, je suis là physiquement mais à l'intérieur, je reste ailleurs. Une façon de me protéger je pense, mais en réalité, je me fissure. J'ai beau mettre une façade, le goût n'y est plus, j'ai usé toutes mes forces.

Je me souviens du jour où je suis rentrée chez moi, vers 15h. J'ouvre le réfrigérateur pour choisir quoi manger. Je regarde mais je ne vois rien. Il y a des aliments mais je n'arrive à me focaliser dessus. ça me demande trop d'énergie, que je n'ai plus. Je donne tout, tous les matins, pour avoir la force d'y aller et d'y rester, alors quand je rentre chez moi, la batterie psychologique est à plat. Et la brancher au chargeur jusqu'au lendemain ne suffit pas. 

Et vous, comment s'est manifesté votre système d'alarme? L'avez-vous pris en compte? Si oui, à quel moment?

Si vous en avez envie, laissez moi un message via le formulaire de contact à droite. Merci :-)